Peut-on porter le voile islamique et rester une femme libre ?
Le voile islamique : qu'est-ce que c'est ?
Depuis plusieurs années, le voile islamique s’est imposé dans l’espace public. Il est un import d’une culture religieuse étrangère à notre continent et antagoniste à la chrétienté depuis sa naissance : l’islamisme — dont la racine islam veut dire « soumission ».
Beaucoup de variantes se cachent derrière le terme générique de « voile ». Le hijab désigne généralement un foulard couvrant les cheveux, le cou et parfois les épaules d'une femme. Le hijab est la version la plus soft d’un vêtement qui, dans sa version extrême — la burqa —, couvre tout le corps de la femme de bas en haut, ne laissant qu’un mince grillage pour ses yeux.
Pourquoi porter le voile islamique ?
Le port de ce vêtement est perçu comme un acte de foi et de soumission à Allah (qui veut dire Dieu en arabe, tout simplement). C’est donc un symbole d’appartenance religieuse qui présente une signification particulière.
Parmi les nombreuses raisons qui justifient l’exigence du port du voile pour les musulmanes, la pudeur est l’élément le plus fondamental. Plusieurs sourates (chapitres du Coran) sont régulièrement mentionnées par les fidèles et les imams. Le voile est considéré comme une manifestation extérieure de la pudeur intérieure. C’est un symbole de piété, de dévotion et de soumission aux règles religieuses ainsi qu’à la communauté. Le voile islamique constituerait une marque de dignité et de respect de soi, en plus d’une protection contre les avances non sollicitées. En conséquence, dans une grande partie des pays à majorité musulmane, les femmes sont sommées de porter le voile afin de couvrir principalement leurs cheveux, considérés comme un attribut sexué affriolant. La femme est donc perçue comme une tentatrice par nature, quelle que soit la dignité de son comportement par ailleurs.
Toutefois, le port du voile ne serait pas pour autant une contrainte, mais bel et bien un choix éclairé et consenti ; c’est l’argument principal visant à le faire admettre dans les pays laïques comme en France — et d’une manière générale en Europe —, où la notion de liberté est primordiale, et où le respect des diverses pratiques et coutumes religieuses est un acquis essentiel qui permet de vivre en bonne intelligence.
Et enfin, dans certains contextes, le voile islamique s’affirme aussi comme un outil de revendication identitaire et politique ou même… un élément de mode. (1)
Ces deux arguments, de pudeur et de liberté, étant ceux sur lesquels s’érigent tous les autres, nous allons voir s’ils tiennent le choc d’un examen approfondi. Si tel devait n’être pas le cas, alors il ne servirait à rien d’explorer les autres revendications liées au hijab.
Le voile musulman est-il vraiment pudique ?
Puisque la pudeur est si importante, il convient de savoir exactement de quoi l’on parle, et donc de la définir. Selon le Dictionnaire de l’Académie française, la pudeur est un « sentiment qui fait appréhender ce qui blesse ou peut blesser la décence ; retenue, réserve, gêne montrée pour ce qui touche au corps, plus particulièrement à la sexualité. » (2) Par extension, c’est une « délicatesse, discrétion qui empêche de dire, d’entendre ou de faire certaines choses sans en être gêné, d’exprimer ou de dévoiler certains sentiments. »
Seulement, concernant la pudeur en tant que vertu ostensiblement recherchée, le philosophe Éric Fiat nous signale ceci : « La pudeur, au même titre que la modestie, la simplicité, la pureté, la dignité ou l’humilité fait partie de ces vertus fragiles qu’on ne peut proclamer posséder sans immédiatement les perdre. L’exhibition de ces vertus équivaut à leur annulation. […] La véritable pudeur est spontanéité, la coquetterie serait une pudeur devenue trop consciente d’elle-même, et qui de ce fait aurait dégénéré en jeu. » (3)
Résumons : la pudeur fait partie de ces qualités qui, comme l’humilité, s’annulent dès qu’on en fait ostentation. Or le voile islamique sert précisément à afficher sa pudeur. C’est un marqueur social servant à illustrer la respectabilité de la femme musulmane au regard de ses coreligionnaires masculins, et par conséquent à accroître chez ces derniers… le désir, puisque :
« La pudeur est une vertu esthétique en ceci qu’elle accroît la désirabilité de ce qu’elle tend à cacher. »
Le voile islamique ne constitue donc même pas une protection si efficace contre le désir. En effet l’imagination est un redoutable ferment. De la même manière que, la nuit, on a davantage peur de ce qu’on ne voit pas que de ce qui est visible sous la lumière des lampadaires, en soustrayant l’objet du désir du regard, on ne fait que le rendre plus désirable.
On peut en conclure que le voile islamique ne répond pas à sa fonction principale ; à savoir la pudeur, donc la discrétion. Tout au contraire, étant une pudeur recherchée, donc consciente d’elle-même, il devient une coquetterie. Le voile se mue en outil de séduction pour charmer tout homme sensible au respect de la charia.
De surcroît, le voile est intrinsèquement inégalitaire. En effet, on ne peut être pudique face à soi-même. Pour qu’il y ait pudeur, il faut qu’il y ait un regard extérieur. Puisque ce sont les femmes qui sont sommées de se voiler, alors ce regard est nécessairement celui des hommes. Mais eux, ne sont pas astreints au même devoir, quoiqu’ils aient aussi des attributs sexués et des cheveux ; cheveux qu’ils ont l’autorisation de porter longs jusqu’aux épaules, et découverts, eux.
Reste sa fonction secondaire, de marqueur visuel, d’étendard ambulant permettant de signifier la conquête d’un territoire par l’idéologie religieuse (mais ceci est une autre histoire…).
De tout ce qui vient d’être évoqué, on en conclut que le voile est à la pudeur ce que la médaille est à l'humilité ou le don défiscalisé à la générosité : une arnaque, une supercherie, une hypocrisie.
Mais si ce n’était que ça, alors ce ne serait pas un problème dans la mesure où, depuis toujours, les femmes comme les hommes ont composé de moyens de séduction variés, propres aux époques et aux cultures. Et même si certains de ces moyens prêtent à rire, tout cela participe d’un jeu auquel nous jouons tous, qu’on en ait conscience ou non, que ce soit de bon cœur ou pas.
Seulement, le cœur du problème vient juste après…
Peut-on porter le voile musulman et conserver sa liberté ?
Nous venons de démontrer que le voile musulman ne fonctionne pas en tant que moyen d’exprimer la pudeur. Toutefois, ce fait en soi, s’il participe à rendre ridicule cette coutume, n’est pas vraiment préjudiciable. Les goûts et la mode suivent des chemins variés et pas toujours du meilleur goût. Souvenons-nous des pantalons à pattes d’éléphant. Ainsi, pour ce qui est du voile, les musulmanes — et mêmes les athées, pourquoi pas ? — n’ont-elles pas droit, quoi qu’il en soit, de s’en vêtir par goût ?
Pour répondre à cette question, il convient de rappeler que nous sommes en France, pays ayant adopté la Déclaration universelle des droits de l'homme, stipulant que : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. » (4)
Par conséquent, les femmes ont bien le droit de s’habiller comme elles le veulent sans que personne n’ait quoi que ce soit à y redire. Cela est vrai.
Si elles ont le droit de s’habiller comme elles le veulent, elles ont donc le droit de revêtir le voile islamique. Cela est vrai aussi.
Seulement, peut-on garantir avec certitude qu’une femme décidant de se couvrir du voile islamique, et usant par-là de son droit à s’habiller comme elle veut, disposerait d’une égale liberté à rebrousser chemin et le retirer par la suite si elle le souhaitait ? Cela est moins sûr, comme nous allons le voir.
Le problème est contenu dans la symbolique même du voile islamique
Rappelons que le rôle du voile musulman est de signifier que la femme qui le porte est pudique, pieuse et respectable. Par conséquent, puisque ces qualités sont attribuées au simple port de ce vêtement, alors ne pas le porter signifie le renoncement à ces qualités. Pire encore : s’en dévêtir revient à se dépouiller volontairement de ces mêmes qualités ! Et cela paraîtra logiquement intolérable à ceux qui adhèrent à cette vision des choses ; généralement les proches, la famille, les amis.
Et c’est là que viennent les insultes, les menaces, l’oppression, le rejet ; en un mot : la contrainte. Ce n’est pas la société républicaine, laïque et démocratique, qui juge les femmes voilées ou dévoilées, c’est leur cercle social immédiat, de culture arabo-musulmane.
« Si la fille refuse de porter le voile, on l’oblige à le faire, car aucune négligence n’est permise à cet égard. » (5 - islamqa.info)
La doctrine est d’une efficacité redoutable. Il est dit qu’une femme qui ne se voile pas « prend des péchés ». C’est le concept de awra. Et c’est le rôle de toute la communauté musulmane que de rappeler à l’ordre celles qui se « relâchent ». (6)
« La femme qui porte des vêtements qui ne cachent pas les parties de son corps qui devraient être cachées est maudite » (7 - hadithdujour.com)
Les conséquences sont fatales. Plus il y a de femmes qui portent le voile dans un environnement donné, plus la pression est forte pour celles qui restent et se vêtissent normalement, même si elles sont en principe en dehors de cette sphère d’influence, même en pays laïc, même si elles ne sont pas musulmanes. Car la charia est considérée par le croyant comme un code de loi divin, qui doit s’imposer à tous et qui prévaut sur toutes les autres lois.
En décembre 2023, une enquête IFOP révélait ainsi que 80 % des Françaises de confession musulmane de moins de 25 ans qui ont déjà porté une abaya l'ont fait par pression extérieure.
Plus significatif encore, le Forum Économique Mondial édite tous les ans un document nommé : Global Gender Gap Report, qui a pour objectif de mesurer les inégalités entre les hommes et les femmes à travers 146 pays. Cet indice permet d’évaluer dans quelle mesure les écarts de genre ont été comblés dans chacun des pays évalués. Ce rapport est téléchargeable en intégralité gratuitement. La conclusion est sans appel : selon le Global Gender Gap Report, les pires régions pour l'égalité des sexes, donc pour la situation des femmes, sont : Moyen-Orient et Afrique du Nord, Asie du Sud. Ces régions se caractérisent par la place prépondérante de l'islamisme, influençant fortement les normes sociales et juridiques et participant à maintenir une culture patriarcale oppressive. D’où il ressort que l’application stricte de la charia constitue un obstacle majeur à l’égalité hommes-femmes.
La pression sociale peut d’ailleurs provenir d’autres femmes voilées, comme le montre le film Persepolis, de Marjane Satrapi, réalisatrice née en Iran, où le port du voile islamique le plus strict s’est imposé à toutes les femmes lors de la révolution de 1979.
Persepolis, 2007
On constate que le droit de s’habiller comme on veut, donc se couvrir du voile islamique n’est pas égal au droit de le retirer. Et le droit de ne pas s’en couvrir s’efface devant la majorité couverte.
Quand un droit meurt de son usage, c’est qu’il n’a jamais été un droit, mais toujours une obligation.
Conclusion
En démontant les deux arguments de la pudeur et de la liberté, l’édifice s’effondre et la supercherie apparaît clairement.
Si le voile musulman est incompatible avec la pudeur, donc que sa première raison d’être est caduque, et qu’à cause de sa signification même, il neutralise la liberté des femmes qui le portent, alors il doit tout simplement disparaître de l’espace public, et être relégué au rang de curiosité historique, au même titre que les crinolines, qui compliquaient les déplacements, ou les corsets très serrés du XIXe siècle qui provoquaient des évanouissements par manque d’air.
L’exigence de porter le voile, pour les femmes, serait un commandement de Dieu. Mais que penser d’un dieu qui commande à la moitié de sa création de se cacher parce que l’autre moitié est incapable de se tenir correctement ? Est-ce qu’il la considère comme ratée pour avoir tant besoin de la couvrir comme une pièce honteuse ? Comment avoir envie de croire en un dieu qui fait la démonstration de son incompétence ?
S’il est incompétent, c’est qu’il est faillible. S’il est faillible, c’est qu’il n’est pas Dieu, mais homme lubrique, car il faut une main humaine pour écrire les textes divins ; et cette main peut bien écrire ce qu’elle veut, aucun ange ne fera brûler la plume entre ses doigts s’il s’avère que ses mots lui sont soufflés par le démon.
Au pays de Voltaire et des Lumières, il est aussi déplorable qu’inconséquent d’avoir autant de tolérance pour une pratique répressive et misogyne, qui n’a comme excuses et raisons que des prétextes culturels et religieux d’un temps passé et d’une autre contrée.
Mais comme l’histoire nous l’a appris et continue de nous le montrer :
Il n’est rien de plus respectable, aux yeux des sots, qu’une coutume abusive que le temps a consacrée.
On finira bien par en rire.
Sources :
- https://blog.nabira.fr/pourquoi-la-femme-musulmane-porte-le-voile
- https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9P5005
- https://www.fnac.com/a9313531/Adele-Van-Reeth-La-pudeur
- https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/
- https://islamqa.info/fr/answers/212658/elle-veut-se-debarrasser-du-voile-pour-avoir-ete-contrainte-a-le-porter-depuis-sa-prime-enfance
- https://www.marianne.net/agora/humeurs/louise-el-yafi-affaire-samara-l-islamisme-avait-ses-grands-freres-il-a-desormais-ses-grandes-soeurs
- https://www.hadithdujour.com/hadiths/hadith-sur-Le-jugement-du-voile-de-la-femme-musulmane-La-gravite-pour-la-femme-de-ne-pas-cacher-sa--awra-devant-les-hommes-etrangers-2-3_4178.asp